Nous
fermons la chambre derrière nous en y laissant la plus grosse partie
de nos affaires afin d'être le plus allégé possible pour faire
notre balade. Heureusement, le ciel n'est pas très dégagé en ce
début de journée et la température n'est pas très élevée, en
tout cas nettement moins que le jour où nous sommes allés à Sani.
Il est 9h30. En ce début d'étape il est impossible
de se perdre, Karsha est en vue depuis le départ, mais il faut
compter deux bonnes heures pour traverser la grande plaine et arriver
au pont qui enjambe la rivière Doda. De là, il ne reste qu'à faire
la montée pour rejoindre le village et se retrouver, en même temps,
au pied du monastère.
Les
premiers kilomètres se passent dans les champs. Le rythme n'est pas
très élevé car nous faisons des arrêts photos des paysannes qui
travaillent dans les champs.
Du sommet du petit mont de Pipiting, qui se trouve au centre de la vallée, nous avons une très belle vue d'ensemble de la plaine. A droite, nous voyons les villages de Resing, Hongchat, Tokang, Lami Sendo et plus loin le monastère de Karsha. A gauche, il y a le village de Tongde et beaucoup plus loin celui de Chilingkit. A peu de chose près, c'est presque ce que nous allons faire pendant les quatre prochains jours.
La
balade se poursuit, il est presque midi et le pont est devant nous.
Pascale a un petit creux et propose de faire une halte. Je sors du
sac tout ce qu'un marcheur a besoin d'avoir avec lui pour améliorer
son quotidien. C'est à dire, un saucisson, de la viande séchée et
quelques friandises du genre ananas et fraises séchés, des amandes
salées et des biscuits.
Le
repas terminé, nous entamons la petite montée et après un peu moins de
20 minutes, nous arrivons au village de Karsha où nous sommes
accueillis par quelques goutes de pluie.
Aussitôt,
nous nous dirigeons vers la guesthouse Thiur. Mais à notre arrivée,
il n'y a personne et nous nous installons confortablement dans le
jardin. Un peu rêveur, je regarde le potager et je constate qu'il y
a des carottes. Je demande à Pascale si elle en veut ? Avec mon
couteau, j'en déterre deux, je les lave et c'est parti pour un petit
rafraichissement bien revigorant. J'aurais bien commis un deuxième
délit, mais au-dessus de nos têtes, le ciel s'est dégagé et le
soleil brille de ses mille feux.
Je décide de refaire mes photos
d'approche du gompa pendant que Pascale reste allongée dans l'herbe.
Sur ma lancée, je continue vers le gompa. Il faut savoir
qu'entre le début des premières marches et les dernières salles,
il y a 400 mètres de dénivelé. Inutile de vous dire que cela monte
sec surtout quand on est à quelques 3540 m.
Je
visite une salle de prières.
Dans une autre salle, des peintres font des nouvelles fresques sur un mur. Ce sont des tibétains qui ont fui leur pays à cause de la politique chinoise de répression. Ils m'expliquent qu'ils sont partis à quatre pendant l'hiver. L'hiver est la meilleure période pour espérer de passer sans trop de casse car les militaires chinois sont incapables de surveiller la frontière avec l'Inde pendant les grands froids. Leur voyage a duré quatre semaines et lorsqu'ils arrivèrent en Inde, seul l'un d'eux était indemne. Deux ont dû être amputé des deux jambes et de tous les doigts à cause du froid, et celui qui m'expliquait la fuite, a dû lui aussi être amputé d'une jambe et ses deux petits doigts sont restés recroquevillés pour toujours. Voilà le prix de la liberté pour ces quatre malheureux, mais eux ont eu la chance de passer de l'autre côté. Combien n'ont-ils pas laissé leur vie dans ces montagnes de la liberté ?
Le
temps passe trop vite et je redescends pour retrouver Pascale. A
mi-chemin, je rencontre une européenne qui sort de sa cellule. Je
suis étonné de voir une femme occuper ses propres locaux dans un
monastère de moines. Jullé, jullé réciproques, vous venez d'où
me demande t'elle en anglais ? Je suis belge. Ah mais vous parlez
alors français ? Moi aussi, je suis française ! Et elle m'invite à prendre un thé et manger un
morceau de gâteau aux poires. Cela ne se refuse pas. Je lui demande
ce qu'elle fait ici, elle me répond que cela fait plus de 4 ans
qu'elle vient tous les étés pour construire une guesthouse sur la
pente du monastère. On parle de tout et de rien, au bout d'un
certain temps, je lui dis que je vais chercher Pascale.
Je redescends quatre à quatre jusqu'à
la guesthouse. Pascale n'est plus dans le jardin car les
propriétaires sont revenus. Je lui raconte mon histoire et nous
remontons.
Dès notre arrivée, Brigitte nous propose de nous montrer de vieilles peintures sur
les murs d'une salle du gompa. Arrivés sur place, nous ne pouvons
que constater la beauté des peintures de cette salle.
Comme un guide
de musée elle nous explique les différents dessins et divinités
bouddhiques qui sont devant nous.
Tout à coup, des trompes sonnent, annonçant une puja exceptionnelle. Aujourd'hui débute pour certains moines du monastère la création d'un nouveau mandala.
Une dizaine de moines réunis autour du mat de drapeaux à prières invitent les autres moines à la puja dans la grande salle.
La cérémonie se termine, le soir va tomber, tout le monde rentre chez soi, même nous.
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