mardi 17 mars 2020

Bien triste anniversaire


Il y a juste 61 ans, le 17 mars 1959, le Dalaï lama fuyait, dans la nuit, le Tibet en proie à une insurrection violemment réprimée par Pékin et il réapparut, deux semaines plus tard, en Inde au terme d'une épique traversée de l'Himalaya.
Le Tibet n'est plus maître de son destin depuis 1950 et ce n’est que le 23 mai 1951, que ce royaume himalayen est entré «dans la grande famille de la mère patrie» chinoise aux termes d'un accord en 17 points signé à Pékin.
Même si Tenzin Gyatso, le nom de réincarnation du Dalaï lama, conservait ses fonctions de dirigeant et tentait de maintenir son peuple dans la non-violence, la coexistence entre Chinois et Tibétains tourne au fil des années au drame et en 1956, la résistance armée contre la domination chinoise débute réellement dans la province du Kham.
Le 10 mars 1959, le Dalaï lama doit assister à un spectacle au quartier général chinois. Des ordres sont donnés, le Dalaï Lama doit se présenter sans sa garde, La population de Lhassa redoute un enlèvement et quelque 10.000 tibétains se massent devant le Potala Palace à Lhassa, afin d'empêcher le Dalaï Lama de sortir de son palais. 

Sept jours plus tard, la situation dégénère et des obus de mortier chinois sont tirés en direction du Palais.
C'est alors que dans le plus grand secret, le Dalaï lama avec sa famille, s'échappe incognito de Lhassa, avec le soutien des fameux guerriers khampas.


Les chinois n'ont découvert la disparition du Dalaï lama que deux jours plus tard, ce qui permettra aux fuyards de prendre une sérieuse avance sur les troupes chinoises et de passer les cols dans la plus grande discrétion. Fous furieux, les chinois déploieront dans les montagnes qui séparent le Tibet et l'Inde, des centaines de soldats secondés par l'aviation afin de retrouver les fugitifs.
Durant les deux semaines qui ont suivi, le dirigeant tibétain n'a pas donné signe de vie et les gens de Lhassa ont craint qu'il ait été tué. Pourtant au Tibet, selon la couverture de 1959 du magazine TIME, des rumeurs ont circulé selon lesquelles le Dalaï Lama "avait été éloigné de la vue des avions chinois par la brume et les nuages ​​bas provoqués par les prières des saints bouddhistes."

Pendant ce temps, à Lhassa, les Chinois ont imposé un couvre-feu et près de 2000 vies ont été perdues dans la bataille qui en a suivi entre les habitants et les forces chinoises. Peu de temps après, près de 800 obus d'artillerie ont été tirés sur Norbulingka. Un jour plus tard, la Chine a dissous l'organe directeur tibétain et a annoncé la création d'une région autonome tibétaine au sein de la République populaire de Chine.

Le 26 mars 1959, la caravane en fuite a finalement atteint Lhuntse Dzong, à quelques jours de marche de la ligne McMahon, la frontière entre l'Inde et le Tibet.


Vêtu de vêtements battus par les intempéries mais immédiatement reconnaissable parmi le petit entourage, le leader tibétain a été accueilli par des responsables indiens qui lui ont remis un télégramme du Premier ministre indien:

«Mes collègues et moi vous souhaitons la bienvenue et vous saluons à votre arrivée en Inde en toute sécurité. Nous serons heureux de vous offrir les installations nécessaires pour que vous, votre famille et votre entourage puissiez résider en Inde. Le peuple de l'Inde, qui vous tient dans une grande vénération, accordera sans aucun doute son respect traditionnel à votre personnage. Cordialement à vous. Nehru. "
Peu de temps après, le Dalaï-lama et sa famille ont été escortés à Tawang pour se reposer et récupérer des tensions du voyage ardu. Dans sa biographie, il mentionne qu’il a été très bien pris en charge par la famille du commissaire de district local de Bomdila.


Dans son autobiographie «Freedom in Exile», le Dalaï Lama écrit:

De Lhuntse Dzong, nous sommes passés au petit village de Jhora et de là, au col de Karpo, le dernier avant la frontière. Juste au moment où nous approchions du point le plus haut de la piste, nous avons reçu un mauvais choc. Sorti de nulle part, un avion est apparu et a survolé directement au-dessus. Il est passé rapidement - trop rapidement pour que quiconque puisse voir quelles marques il avait - mais pas si vite que les personnes à bord auraient pu manquer de nous repérer.
Ce n'était pas un bon signe. S'il s'agissait de Chinois, comme c'était probablement le cas, il y avait de fortes chances qu'ils sachent maintenant où nous étions. Avec ces informations, ils pourraient revenir nous attaquer depuis les airs, contre lesquels nous n'avions aucune protection. Quelle que soit l'identité de l'avion, c'était un rappel fort que je n'étais en sécurité nulle part au Tibet. Toutes les appréhensions que j'avais à l'idée de partir en exil ont disparu avec cette prise de conscience: l'Inde était notre seul espoir.
Et ainsi le 31 mars 1959, le Dalaï Lama s'est frayé un chemin à travers des pics battus par le vent et des plateaux enneigés pour enfin atteindre la patrie du Bouddha.

L’exode tibétain allait commencer ……
En 2009, 127 935 Tibétains ont été recensés à l'extérieur du Tibet dont 94 203 en Inde et 13 514 au Népal. Depuis lors, et en dépit de la fermeture en 1960 de la frontière du côté chinois, les Tibétains continuent de traverser l'Himalaya, un voyage périlleux qui dure plusieurs semaines.
Aujourd’hui, on parle d’au moins 150 000 réfugiés tibétains en exil.

Pour ceux qui ont évidemment la chance de passer sans se faire tirer dessus.
Les chinois apellent ça « Libération pacifique du Tibet »