Un
changement abrupt va s’opérer dans l’architecture avec les
incursions des armées chinoise, mongole
et musulmanes et les querelles entre les différentes sectes
bouddhistes naissantes. Jusqu’alors focalisés sur des missions
purement religieuses, les monastères deviennent des centres
administratifs et militaires et des greniers en cas de disette.
Cette période voit la rupture des échanges
culturels avec l’Inde du Nord et le Cachemire où des sultans
musulmans se sont installés sans toutefois parvenir à envahir les
vallées reculées du Ladakh.
Ces
édifices datant de cette période troublée représentent la majeure
partie de l’héritage architectural ladakhi. Les monastères
perchés ou fortifiés ont pris l’aspect de constructions étagées sur le flanc d’une
colline ou d’un éperon dominant le bas de la vallée. Disposé au
sommet, le bâtiment le plus imposant s'apparente à une forteresse.
Les
fonctions religieuses sont concentrées dans les bâtiments du haut
tandis que l’école, le réfectoire et les cellules se trouvent
plus bas.
Exposés
entre le Sud et l'Est, les édifices bénéficient d’un
ensoleillement maximal. Les bâtiments, hauts de plusieurs
étages possèdent
toutes les caractéristiques d’une architecture raffinée en regard
de l’époque : un portique menant à une cour intérieure, des
grandes fenêtres, des balcons, des balustrades, etc.
L’aspect
de fortification que l’on trouve dans les monastères de la période
récente est aussi la particularité dominante des palais royaux.
Perchés
sur des éperons, les fondations épousant les rochers, les
palais-fortifications (khar
en
tibétain) dont le palais de Leh est le fleuron surplombent les
habitations villageoises. De construction rectangulaire avec une
imposante façade principale (60 mètres de large et 58 mètres de
haut), les murs sont très larges à la base pour s’affiner en
s’élevant. Les palais et les monastères-forteresses sont les
témoins d’une architecture qui desservait d’abord des intérêts
stratégiques.
Monastère
et ermitage d’Hemis.
Situé
dans une vallée latérale étroite de l’Indus à 48 km en amont de
Leh, le complexe monastique est blotti sur une faible pente. Il est surplombé par une paroi brun rouge.
Cet
important monastère Drugpa
Kargyud a
été fondé par l’érudit Stagstang
Raspa.
Bien que ce monastère ait été bâti au XVIIe siècle, il n’adopte pas le style «monastère-forteresse» de cette époque architecturale.
Esthétiquement
l’emplacement encaissé du site offre peu de possibilités de
points de vue. Les constructions
sont dominées par la paroi située derrière l’édifice. C’est
une esthétique originale qui met
plus en valeur la paroi que l’édifice.
Touristiquement
c’est un des plus prestigieux monastère pour deux raisons : son
histoire qui le lie à la dynastie Namgyal et son festival renommé.
De
plus, l’ermitage de Gotsang
est
visité pour l’empreinte de main laissée dans une grotte par un
yogi prestigieux après 20 ans de méditation.
Monastère
de Stakna
À
une distance de 25 kilomètres en amont de Leh, le complexe de Stakna
se
trouve sur une butte rocheuse
isolée dans la plaine de la vallée de l’Indus. Ce cours d’eau
est dominé par le mont de Stakna
d’une
hauteur de 80 mètres.
Contrairement
à beaucoup d’autres sites (Matho,
Stok, Thikse, Shey, Leh),
il n’est pas relié à la crête d’une vallée latérale. La
façade principale est orientée au sud et son emplacement dégagé
lui permet de profiter du soleil toute la journée. Il est par contre
très exposé aux vents de la vallée de l’Indus.
Édifié
par un demi-frère de Sengge
Namgyal pour
un sage bhoutanais Jamyang
Padkhar,
le nom de ce monastère Drugpa
Kargyud a
été donné en regard de la forme du relief qui ressemble au nez
d’un tigre.
C’est
un gompa-dzong,
mais la pente trop importante sur le versant ensoleillé de la butte
n’a pas permis
de réaliser l’étagement habituel des cellules des moines.
Le
nombre élevé de points de vue et la position relativement dominante
par rapport à la plaine de l’Indus, offrent au site une esthétique originale
et un panorama à 360°.
Monastère
de Matho
Situé
sur une ligne de crête orientée au nord-est, dominant le cône de
déjection d’une vallée latérale de l’Indus, le monastère de
Matho
se
trouve à une distance de 26 km de Leh.
Seul
monastère Sakyapa
de
la vallée de l’Indus, il a été fondé sur ordre du
roi au XVIe siècle pour le lama Drigung
Dorje.
Son festival est réputé car il a la particularité de présenter un
rite unique. Deux moines « oracles » possédés par les déesses
protectrices de la congrégation se mettent en scène. Des prophéties
sont alors divulguées pour l’année à venir.
Il
n’a qu’en partie l’aspect d’un monastère-forteresse car les
constructions principales ne sont pas regroupées mais plutôt
éparpillées et n’ont pas toutes la même orientation. De plus les
cellules ne
sont pas étagées de manière régulière.
Les
roches sont dans les teintes grises, rouges et vertes. La végétation
est très présente entre les différents
bâtiments du versant. Le mariage du construit et de la végétation
donne une esthétique
harmonieuse au versant principal.
Monastère
de Thikse
À
19 km en amont de Leh, situé sur un éperon rocheux de forme
pyramidale, relié à la crête d’une vallée latérale, le
complexe monastique domine la rive droite de la plaine de l’Indus.
Il occupe tout le flanc Sud-Est de cet éperon.
Au
XVIe siècle, le dévot Sherab
Zangpo bâtit
d’abord un temple au sommet. Ce n’est qu’un siècle plus
tard que la communauté monastique s’y établira. C’est
Tsongkhapa,
le fondateur de la secte Gelugpa
des
bonnets rouges, qui avait, quelques siècles plus tôt, prophétisé
l’avènement d’un monastère
à cet endroit.
Ce
complexe est l’archétype du monastère-forteresse.
Il possède une position dominante sur la
plaine de l’Indus. Les contrastes entre le ciel, les couleurs des
bâtiments, la roche et le vert de quelques
arbres procurent, vus depuis la plaine de l’Indus une esthétique
harmonieuse.
Complexe
de Shey : palais, temple et ruines du fort
Le
site de Shey
se
loge sur un éperon rocheux dominant de 50 mètres la plaine qui
borde la rive droite de l’Indus. Les façades principales du palais
et du temple sont orientées à l’Est.
La
première construction, encore apparente sous la forme de ruines
aujourd’hui, est le fort édifié par
le premier roi du Ladakh Nyima-Gon
qui
date du Xe siècle. Son fils Palgyigon
a
fait de Shey
la
capitale du Ladakh en construisant un premier palais. Il fut remplacé
au XVIIe siècle par
un plus grand palais construit par Deldan
Namgyal. Le site lui doit aussi une des plus grandes
statues de Bouddha, érigée en l’honneur de son père Sengge.
Le complexe architectural de Shey est marqué par l’hétérogénéité des constructions en raison des différentes fonctions et époques de création des bâtiments. En effet, on trouve une ruine de fort datant du Xe siècle sur le haut de l’arête, puis un temple blanc et une grande stupa, tous deux rénovés récemment. Plus bas le palais et le temple sont du XVIIe, puis sur la fin de l’arête, on trouve un alignement de stupas modernes.
Palais
de Stok
Situé
à 15 km en amont de Leh, à l’entrée d’une vallée latérale de
la rive opposée, le palais
de Stok domine
le village du même nom depuis une butte rocheuse située à 5 km de
l’Indus. Le
palais a été construit par la famille royale en 1825.
Ce
palais monumental est conçu d’un seul tenant. Son aspect le situe
entre une forteresse et une riche
habitation. Sa grande façade fait 50 mètres de large et 20 mètres
de haut. Elle est agrémentée de balcons et de grandes fenêtres.
Construit
de manière traditionnelle, le palais n’est cependant pas dénué
de raffinements, comme l’attestent les fines sculptures des
décorations en bois.
Ce
site dispose d’une position dominante et est visible de loin. La
couleur blanche du bâtiment contraste
avec les couleurs sombres des couches géologiques. La végétation
n’est présente qu’au pied du site.
Complexe
de Leh : palais de Leh, tour de garde, temple de Tsemo, fort du
Namgyal Tsemo
Les
constructions qui forment le complexe
de Leh sont
situées sur une crête perpendiculaire au sens de la vallée
latérale. Le complexe surplombe la vieille ville de Leh avec d’Ouest
en Est et de bas en haut : le Palais
de Leh se trouve à
3550 mètres d'altitude,
la
tour
de garde au
milieu, le temple
et
le Fort
du
Namgyal
Tsemo pointant
au sommet de l’arête à 3650 mètres. Le palais
de Leh est
en phase de rénovation.
La
tour de garde,
logée entre le
palais de Leh et
le
complexe du Tsemo,
est l’édifice le plus ancien. Il
aurait été construit au Ve siècle par les Dardes.
À
partir du siècle suivant, Leh devient la capitale du Ladakh uni
grâce à Tashi
Namgyal.
Au XVIIe siècle Sengge
Namgyal construit
le palais-forteresse de
Leh.
Les
architectures présentées sur l’arête du Tsemo,
témoignent des différentes époques
historiques
du Ladakh.
Esthétiquement, le complexe royal de Leh domine littéralement la vieille ville de Leh et est visible de beaucoup de points de vue. Il n’y a pas de contraste de couleurs entre le palais et la crête. Par contre, il se découpe dans le ciel. Les façades rouges et blanches mettent le complexe de Tsemo bien en évidence.
Monastère
de Spituk
Sept
kilomètres en aval, le
monastère de Spituk est
situé dans le prolongement de la ville de Leh et de l’aéroport,
placé sur une butte rocheuse qui domine la plaine de 80 mètres de
haut.
Toutes
les constructions sont exposées au sud à l’exception du temple
protecteur,
datant du XIe siècle, qui est lui tourné vers l’Est.
La
première construction date du XIe siècle et est l’oeuvre du
prince du Guge.
Les moines font alors partie de l’ordre bouddhiste Kadampa.
Ils deviendront Gelugpa
au
XVe siècle sous l’impulsion du sage tibétain Tsongkhapa.
C’est de cette époque que datent la plupart des édifices visibles
aujourd’hui.
Un
siècle plus tard, les moines deviendront Drugpa
Kagyup pour
redevenir Gelugpa
au
XIXe siècle suivant
la volonté des différentes réincarnations du chef de la
congrégation, Kushok
Bakula.
Le
complexe monastique est typique des monastères-forteresses de la
période récente avec
les temples au sommet du mont et les cellules étagées sur le
versant sud.
Depuis la plaine de l’Indus, il a l’aspect harmonieux des
monastères-forteresses
comme
celui de Thikse.
Monastère
de Phyiang
Localisé
à 17 kilomètres de Leh en aval, Phyiang
se
trouve dans la première vallée latérale à l’ouest de Leh sur la
rive droite de l’Indus.
Le
complexe monastique est
posé sur une colline allongée perpendiculairement à la vallée.
Le
monastère a été fondé au XVIe siècle par le roi Tashi
Namgyal en
hommage au lama qui l’avait guéri de la lèpre. C’est le premier
monastère Drigungpa
Kagyup de
la vallée de l’Indus.
La position dominante du site et son emplacement au milieu de la vallée lui offrent une grande visibilité. Les couleurs sont contrastées avec le vert de la végétation, le rouge, le blanc et le jaune des bâtiments. Des peupliers ont été plantés sur la moraine. Ce site est très harmonieux et possède une cachet unique.
Complexe de Basgo : fort, palais et temples
Le
site de Basgo
se
trouve dans une vallée latérale de la rive droite, à trois
kilomètres de l’Indus. Les
ruines du fort et les temples de Basgo sont
situés sur des promontoires qui dominent au nord
le village du même nom. Les façades principales des bâtiments sont
orientées au sud sud-est. Les ruines du fort datent du XVe siècle
lorsque Basgo
était
la capitale du Ladakh. Sous les règnes
de Tsewang,
Jamyang et
Sengge
Namgyal,
trois temples et un palais ont été érigés dans l’enceinte
du fort. Le fort a été abandonné au XVIIe siècle, assiégé
pendant trois ans par l’armée tibétaine.
Le
site n’est pas visible de loin car il est encaissé dans une vallée
latérale étroite. Il occupe par contre une position dominante
relativement au fond de la vallée. Les contrastes de couleurs et de
formes sont importants. Le site possède une esthétique spectaculaire
et unique.
Monastère
de Likir
Le
site de Likir
est
situé dans une vallée latérale sur la rive droite de l’Indus, à
52 kilomètres en aval de Leh, à 6 kilomètres du fleuve principal,
mais séparé par un relief que la rivière de Likir
contourne
par l’Ouest pour rejoindre ensuite l’Indus. Le complexe
monastique est posé sur une épaule à la convergence de deux
vallées. Il surplombe le bas de la vallée, mais se trouve au même
niveau que le village situé en amont.
Ce
monastère de l’ordre Kadampa
a
été fondé au XIe siècle par le roi Lhachen
Gyalpo pour
le lama Duwang
Chosje.
Au XVIe sièlce, sous l’influence du célèbre érudit Tsongkhapa,
le monastère se rattache à l’ordre Gelugpa.
Les bâtiments visibles actuellement datent de cette période.
L’architecture de l’ensemble monastique est celle du dzong tibétain. La configuration du site a permis l’étagement des bâtiments secondaires. Ceux-ci ont la particularité de posséder plusieurs étages et d’être imbriqués les uns dans les autres, alors que d’ordinaire les cellules des moines sont séparées et composées d’un seul étage, comme à Thikse et Matho par exemple.
L’architecture de l’ensemble monastique est celle du dzong tibétain. La configuration du site a permis l’étagement des bâtiments secondaires. Ceux-ci ont la particularité de posséder plusieurs étages et d’être imbriqués les uns dans les autres, alors que d’ordinaire les cellules des moines sont séparées et composées d’un seul étage, comme à Thikse et Matho par exemple.
Les
couleurs sont contrastées avec le blanc des bâtiments, le brun
beige de la terre et des roches et le vert de la végétation. C’est un site esthétiquement harmonieux.
Les constructions épousent le relief.
Étant
donné son éloignement de Leh, le site jouit d’une grande
notoriété grâce à un cadre naturel intact.
Il possède une petite collection de tangkas,
mais surtout
une statue monumentale de Bouddha
qui
trône à l’extérieur.
Temples
d’Alchi
Alchi est distant de Leh de 69 kilomètres1. Le site se situe sur la rive gauche de l’Indus, sur la partie inférieure d’un cône de déjection, à 80 mètres de l’Indus. Alchi est le seul site du XIe siècle qui a conservé son architecture et ses peintures intérieures intactes. Il a été fondé par des disciples de Rinchen Zangpo, instigateur des temples et monastères d’influence indo-cachemirie au Ladakh. Ils se caractérisent par leur construction au plat avec des bâtiments séparés les uns des autres et présentant un ou deux étages. Les décorations en bois sont très travaillées et témoignent d’un savoir-faire artisanal raffiné.
Le
site possède une notoriété touristique maximale grâce à son
architecture indo-cachemirie unique. C’est une sorte de musée car
il n’y a plus de communauté monastique vivant sur le site.
Monastère
de Ridzong
À
73 kilomètres en aval de Leh, le monastère
de Ridzong se
trouve dans une vallée latérale très encaissée,
à 5 km de l’Indus, sur la rive droite. L’ensemble architectural
est blotti dans un cirque naturel,
les constructions s’étalant sur 80 mètres de dénivellation.
En
1833, le lama Tsultim
Nima fonda
le monastère Gelugpa
de
Ridzong.
Il avait, quelques années auparavant,
quitté sa famille pour répondre à sa vocation. Sa femme l’a en
quelque sorte suivi puisqu’elle
est à l’origine du couvent qui se trouve 500 mètres en aval. Les
règles monastiques de Ridzong
sont
très strictes.
Ce
monastère est très récent en comparaison des autres sites étudiés.
Il ne possède pas l’aspect d’un monastère-forteresse.
D’abord parce qu’il n’est pas situé au sommet d’un relief.
Ensuite parce il n’y a pas de hiérarchie entre les grands
bâtiments du haut, habituellement dévolus aux temples et les
constructions inférieures servant de cellules aux moines.
Les
bâtiments sont imbriqués les uns dans les autres et font au plus
trois étages.
Monastère
de Lamayuru
Situé
à 126 kilomètres en aval de Leh, à 10 kilomètres de l’Indus, ce
complexe monastique se dresse sur une épaule dominant de 100 mètres
une large et verte vallée latérale.
Le premier temple établi
sur le site au XIe siècle semble être lié au culte Bon,
une religion animiste tibétaine. Celui-ci a par la
suite été incorporé aux édifices bouddhistes de l’ordre
Kadampa.
Au XVIe siècle, comme beaucoup d’autres monastères au Ladakh les
moines adoptèrent les préceptes de l’ordre Drigungpa Kagyup.
Un mythe qui date d’environ 2600 ans. En effet, un
lac aurait existé jusqu’à la venue d’un disciple de Bouddha.
Il aurait vidé l’étendue d’eau en amadouant les esprits qui
l’habitaient. Le nom de Lamayuru provient de cette légende. Les
moines présentent un festival célébré pendant l’été. Le
complexe architectural de Lamayuru
est
hétérogène. Ce site était historiquement un village fortifié où
les moines et les villageois habitaient dans le même ensemble sur
l’éperon. Aujourd’hui, des bâtiments de toutes tailles sont
éparpillés en haut et en bas du complexe principal.
Grâce
à la beauté induite par le mélange réussi entre la nature et les
édifices, c’est un des monastères phares du Ladakh.
Le paysage de
« moonland », terme touristique pour qualifier les dépôts
lacustres à l’esthétique étonnante, ne cesse de fasciner.
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