lundi 4 juin 2012

Descriptions des principaux monastères du Ladakh

Au Ladakh les premiers édifices datent du XIe siècle et sont l’oeuvre de l’érudit Rinchen Zangpo et de ses disciples en provenance d’Inde et du Cachemire. L’influence de l’architecture indienne marque ces premières gompas pour deux raisons. La première particularité est leur localisation au plat, alors que les édifices plus récents sont situés en hauteur. La deuxième est leur agencement en carré pour imiter la structure en Mandala dont Alchi est un parfait exemple. Les bâtiments à toit plat sont séparés et ne possèdent souvent pas d’étage. Les matériaux de construction sont des pierres liées par un ciment à base de boue argileuse, régulièrement séparées horizontalement par des poutres en bois pour offrir plus de résistance aux murs lors de tremblements de terre. Alchi doit la finesse de ses sculptures sur bois et de ses peintures aux artisans cachemiris. Bientôt cette émulation artistique dans l’art bouddhiste, florissant en Inde, au Cachemire et par extension dans les régions à culture tibétaine va s’éteindre avec le début d’une période d’invasions.

Un changement abrupt va s’opérer dans l’architecture avec les incursions des armées chinoise, mongole et musulmanes et les querelles entre les différentes sectes bouddhistes naissantes. Jusqu’alors focalisés sur des missions purement religieuses, les monastères deviennent des centres administratifs et militaires et des greniers en cas de disette. 
Cette période voit la rupture des échanges culturels avec l’Inde du Nord et le Cachemire où des sultans musulmans se sont installés sans toutefois parvenir à envahir les vallées reculées du Ladakh.
Ces édifices datant de cette période troublée représentent la majeure partie de l’héritage architectural ladakhi. Les monastères perchés ou fortifiés ont pris l’aspect de constructions étagées sur le flanc d’une colline ou d’un éperon dominant le bas de la vallée. Disposé au sommet, le bâtiment le plus imposant s'apparente à une forteresse.
Les fonctions religieuses sont concentrées dans les bâtiments du haut tandis que l’école, le réfectoire et les cellules se trouvent plus bas.
Exposés entre le Sud et l'Est, les édifices bénéficient d’un ensoleillement maximal. Les bâtiments, hauts de plusieurs étages possèdent toutes les caractéristiques d’une architecture raffinée en regard de l’époque : un portique menant à une cour intérieure, des grandes fenêtres, des balcons, des balustrades, etc.

L’aspect de fortification que l’on trouve dans les monastères de la période récente est aussi la particularité dominante des palais royaux.
Perchés sur des éperons, les fondations épousant les rochers, les palais-fortifications (khar en tibétain) dont le palais de Leh est le fleuron surplombent les habitations villageoises. De construction rectangulaire avec une imposante façade principale (60 mètres de large et 58 mètres de haut), les murs sont très larges à la base pour s’affiner en s’élevant. Les palais et les monastères-forteresses sont les témoins d’une architecture qui desservait d’abord des intérêts stratégiques.

Monastère et ermitage d’Hemis.

Situé dans une vallée latérale étroite de l’Indus à 48 km en amont de Leh, le complexe monastique est blotti sur une faible pente. Il est surplombé par une paroi brun rouge.
Cet important monastère Drugpa Kargyud a été fondé par l’érudit Stagstang Raspa.


Bien que ce monastère ait été bâti au XVIIe siècle, il n’adopte pas le style «monastère-forteresse» de cette époque architecturale.
Esthétiquement l’emplacement encaissé du site offre peu de possibilités de points de vue. Les constructions sont dominées par la paroi située derrière l’édifice. C’est une esthétique originale qui met plus en valeur la paroi que l’édifice.
Touristiquement c’est un des plus prestigieux monastère pour deux raisons : son histoire qui le lie à la dynastie Namgyal et son festival renommé.
De plus, l’ermitage de Gotsang est visité pour l’empreinte de main laissée dans une grotte par un yogi prestigieux après 20 ans de méditation. 

Monastère de Stakna

À une distance de 25 kilomètres en amont de Leh, le complexe de Stakna se trouve sur une butte rocheuse isolée dans la plaine de la vallée de l’Indus. Ce cours d’eau est dominé par le mont de Stakna d’une hauteur de 80 mètres.

Contrairement à beaucoup d’autres sites (Matho, Stok, Thikse, Shey, Leh), il n’est pas relié à la crête d’une vallée latérale. La façade principale est orientée au sud et son emplacement dégagé lui permet de profiter du soleil toute la journée. Il est par contre très exposé aux vents de la vallée de l’Indus. 
Édifié par un demi-frère de Sengge Namgyal pour un sage bhoutanais Jamyang Padkhar, le nom de ce monastère Drugpa Kargyud a été donné en regard de la forme du relief qui ressemble au nez d’un tigre.
C’est un gompa-dzong, mais la pente trop importante sur le versant ensoleillé de la butte n’a pas permis de réaliser l’étagement habituel des cellules des moines.
Le nombre élevé de points de vue et la position relativement dominante par rapport à la plaine de l’Indus, offrent au site une esthétique originale et un panorama à 360°.

Monastère de Matho

Situé sur une ligne de crête orientée au nord-est, dominant le cône de déjection d’une vallée latérale de l’Indus, le monastère de Matho se trouve à une distance de 26 km de Leh. 
Seul monastère Sakyapa de la vallée de l’Indus, il a été fondé sur ordre du roi au XVIe siècle pour le lama Drigung Dorje. 

Son festival est réputé car il a la particularité de présenter un rite unique. Deux moines « oracles » possédés par les déesses protectrices de la congrégation se mettent en scène. Des prophéties sont alors divulguées pour l’année à venir.
Il n’a qu’en partie l’aspect d’un monastère-forteresse car les constructions principales ne sont pas regroupées mais plutôt éparpillées et n’ont pas toutes la même orientation. De plus les cellules ne sont pas étagées de manière régulière.
Les roches sont dans les teintes grises, rouges et vertes. La végétation est très présente entre les différents bâtiments du versant. Le mariage du construit et de la végétation donne une esthétique harmonieuse au versant principal.

Monastère de Thikse

À 19 km en amont de Leh, situé sur un éperon rocheux de forme pyramidale, relié à la crête d’une vallée latérale, le complexe monastique domine la rive droite de la plaine de l’Indus. Il occupe tout le flanc Sud-Est de cet éperon.
Au XVIe siècle, le dévot Sherab Zangpo bâtit d’abord un temple au sommet. Ce n’est qu’un siècle plus tard que la communauté monastique s’y établira. C’est Tsongkhapa, le fondateur de la secte Gelugpa des bonnets rouges, qui avait, quelques siècles plus tôt, prophétisé l’avènement d’un monastère à cet endroit. 
Ce complexe est l’archétype du monastère-forteresse. Il possède une position dominante sur la plaine de l’Indus. Les contrastes entre le ciel, les couleurs des bâtiments, la roche et le vert de quelques arbres procurent, vus depuis la plaine de l’Indus une esthétique harmonieuse.

Complexe de Shey : palais, temple et ruines du fort

Le site de Shey se loge sur un éperon rocheux dominant de 50 mètres la plaine qui borde la rive droite de l’Indus. Les façades principales du palais et du temple sont orientées à l’Est.
La première construction, encore apparente sous la forme de ruines aujourd’hui, est le fort édifié par le premier roi du Ladakh Nyima-Gon qui date du Xe siècle. Son fils Palgyigon a fait de Shey la capitale du Ladakh en construisant un premier palais. Il fut remplacé au XVIIe siècle par un plus grand palais construit par Deldan Namgyal. Le site lui doit aussi une des plus grandes statues de Bouddha, érigée en l’honneur de son père Sengge.


Le complexe architectural de Shey est marqué par l’hétérogénéité des constructions en raison des différentes fonctions et époques de création des bâtiments. En effet, on trouve une ruine de fort datant du Xe siècle sur le haut de l’arête, puis un temple blanc et une grande stupa, tous deux rénovés récemment. Plus bas le palais et le temple sont du XVIIe, puis sur la fin de l’arête, on trouve un alignement de stupas modernes.

Palais de Stok

Situé à 15 km en amont de Leh, à l’entrée d’une vallée latérale de la rive opposée, le palais de Stok domine le village du même nom depuis une butte rocheuse située à 5 km de l’Indus. Le palais a été construit par la famille royale en 1825.
Ce palais monumental est conçu d’un seul tenant. Son aspect le situe entre une forteresse et une riche habitation. Sa grande façade fait 50 mètres de large et 20 mètres de haut. Elle est agrémentée de balcons et de grandes fenêtres.
Construit de manière traditionnelle, le palais n’est cependant pas dénué de raffinements, comme l’attestent les fines sculptures des décorations en bois.
Ce site dispose d’une position dominante et est visible de loin. La couleur blanche du bâtiment contraste avec les couleurs sombres des couches géologiques. La végétation n’est présente qu’au pied du site.

Complexe de Leh : palais de Leh, tour de garde, temple de Tsemo, fort du Namgyal Tsemo

Les constructions qui forment le complexe de Leh sont situées sur une crête perpendiculaire au sens de la vallée latérale. Le complexe surplombe la vieille ville de Leh avec d’Ouest en Est et de bas en haut : le Palais de Leh se trouve à 3550 mètres d'altitude, la tour de garde au milieu, le temple et le Fort du Namgyal Tsemo pointant au sommet de l’arête à 3650 mètres. Le palais de Leh est en phase de rénovation.
La tour de garde, logée entre le palais de Leh et le complexe du Tsemo, est l’édifice le plus ancien. Il aurait été construit au Ve siècle par les Dardes.
À partir du siècle suivant, Leh devient la capitale du Ladakh uni grâce à Tashi Namgyal. Au XVIIe siècle Sengge Namgyal construit le palais-forteresse de Leh.
Les architectures présentées sur l’arête du Tsemo, témoignent des différentes époques
historiques du Ladakh. 


Esthétiquement, le complexe royal de Leh domine littéralement la vieille ville de Leh et est visible de beaucoup de points de vue. Il n’y a pas de contraste de couleurs entre le palais et la crête. Par contre, il se découpe dans le ciel. Les façades rouges et blanches mettent le complexe de Tsemo bien en évidence.

Monastère de Spituk

Sept kilomètres en aval, le monastère de Spituk est situé dans le prolongement de la ville de Leh et de l’aéroport, placé sur une butte rocheuse qui domine la plaine de 80 mètres de haut. 
Toutes les constructions sont exposées au sud à l’exception du temple protecteur, datant du XIe siècle, qui est lui tourné vers l’Est.
La première construction date du XIe siècle et est l’oeuvre du prince du Guge. Les moines font alors partie de l’ordre bouddhiste Kadampa. Ils deviendront Gelugpa au XVe siècle sous l’impulsion du sage tibétain Tsongkhapa. C’est de cette époque que datent la plupart des édifices visibles aujourd’hui.
Un siècle plus tard, les moines deviendront Drugpa Kagyup pour redevenir Gelugpa au XIXe siècle suivant la volonté des différentes réincarnations du chef de la congrégation, Kushok Bakula.
Le complexe monastique est typique des monastères-forteresses de la période récente avec les temples au sommet du mont et les cellules étagées sur le versant sud.
Depuis la plaine de l’Indus, il a l’aspect harmonieux des monastères-forteresses comme celui de Thikse.

Monastère de Phyiang

Localisé à 17 kilomètres de Leh en aval, Phyiang se trouve dans la première vallée latérale à l’ouest de Leh sur la rive droite de l’Indus.
Le complexe monastique est posé sur une colline allongée perpendiculairement à la vallée.
Le monastère a été fondé au XVIe siècle par le roi Tashi Namgyal en hommage au lama qui l’avait guéri de la lèpre. C’est le premier monastère Drigungpa Kagyup de la vallée de l’Indus.



La position dominante du site et son emplacement au milieu de la vallée lui offrent une grande visibilité. Les couleurs sont contrastées avec le vert de la végétation, le rouge, le blanc et le jaune des bâtiments. Des peupliers ont été plantés sur la moraine. Ce site est très harmonieux et possède une cachet unique.



Complexe de Basgo : fort, palais et temples

Le site de Basgo se trouve dans une vallée latérale de la rive droite, à trois kilomètres de l’Indus. Les ruines du fort et les temples de Basgo sont situés sur des promontoires qui dominent au nord le village du même nom. Les façades principales des bâtiments sont orientées au sud sud-est. Les ruines du fort datent du XVe siècle lorsque Basgo était la capitale du Ladakh. Sous les règnes de Tsewang, Jamyang et Sengge Namgyal, trois temples et un palais ont été érigés dans l’enceinte du fort. Le fort a été abandonné au XVIIe siècle, assiégé pendant trois ans par l’armée tibétaine.
Le site n’est pas visible de loin car il est encaissé dans une vallée latérale étroite. Il occupe par contre une position dominante relativement au fond de la vallée. Les contrastes de couleurs et de formes sont importants. Le site possède une esthétique spectaculaire et unique.

Monastère de Likir

Le site de Likir est situé dans une vallée latérale sur la rive droite de l’Indus, à 52 kilomètres en aval de Leh, à 6 kilomètres du fleuve principal, mais séparé par un relief que la rivière de Likir contourne par l’Ouest pour rejoindre ensuite l’Indus. Le complexe monastique est posé sur une épaule à la convergence de deux vallées. Il surplombe le bas de la vallée, mais se trouve au même niveau que le village situé en amont. 
Ce monastère de l’ordre Kadampa a été fondé au XIe siècle par le roi Lhachen Gyalpo pour le lama Duwang Chosje. Au XVIe sièlce, sous l’influence du célèbre érudit Tsongkhapa, le monastère se rattache à l’ordre Gelugpa. Les bâtiments visibles actuellement datent de cette période.
L’architecture de l’ensemble monastique est celle du dzong tibétain. La configuration du site a permis l’étagement des bâtiments secondaires. Ceux-ci ont la particularité de posséder plusieurs étages et d’être imbriqués les uns dans les autres, alors que d’ordinaire les cellules des moines sont séparées et composées d’un seul étage, comme à Thikse et Matho par exemple.
Les couleurs sont contrastées avec le blanc des bâtiments, le brun beige de la terre et des roches et le vert de la végétation. C’est un site esthétiquement harmonieux. Les constructions épousent le relief.
Étant donné son éloignement de Leh, le site jouit d’une grande notoriété grâce à un cadre naturel intact. Il possède une petite collection de tangkas, mais surtout une statue monumentale de Bouddha qui trône à l’extérieur.

Temples d’Alchi

Alchi est distant de Leh de 69 kilomètres1. Le site se situe sur la rive gauche de l’Indus, sur la partie inférieure d’un cône de déjection, à 80 mètres de l’Indus. Alchi est le seul site du XIe siècle qui a conservé son architecture et ses peintures intérieures intactes. Il a été fondé par des disciples de Rinchen Zangpo, instigateur des temples et monastères d’influence indo-cachemirie au Ladakh. Ils se caractérisent par leur construction au plat avec des bâtiments séparés les uns des autres et présentant un ou deux étages. Les décorations en bois sont très travaillées et témoignent d’un savoir-faire artisanal raffiné.
Le site possède une notoriété touristique maximale grâce à son architecture indo-cachemirie unique. C’est une sorte de musée car il n’y a plus de communauté monastique vivant sur le site.

Monastère de Ridzong

À 73 kilomètres en aval de Leh, le monastère de Ridzong se trouve dans une vallée latérale très encaissée, à 5 km de l’Indus, sur la rive droite. L’ensemble architectural est blotti dans un cirque naturel, les constructions s’étalant sur 80 mètres de dénivellation. 

En 1833, le lama Tsultim Nima fonda le monastère Gelugpa de Ridzong. Il avait, quelques années auparavant, quitté sa famille pour répondre à sa vocation. Sa femme l’a en quelque sorte suivi puisqu’elle est à l’origine du couvent qui se trouve 500 mètres en aval. Les règles monastiques de Ridzong sont très strictes.
Ce monastère est très récent en comparaison des autres sites étudiés. Il ne possède pas l’aspect d’un monastère-forteresse. D’abord parce qu’il n’est pas situé au sommet d’un relief. Ensuite parce il n’y a pas de hiérarchie entre les grands bâtiments du haut, habituellement dévolus aux temples et les constructions inférieures servant de cellules aux moines.
Les bâtiments sont imbriqués les uns dans les autres et font au plus trois étages.

Monastère de Lamayuru

Situé à 126 kilomètres en aval de Leh, à 10 kilomètres de l’Indus, ce complexe monastique se dresse sur une épaule dominant de 100 mètres une large et verte vallée latérale.
Le premier temple établi sur le site au XIe siècle semble être lié au culte Bon, une religion animiste tibétaine. Celui-ci a par la suite été incorporé aux édifices bouddhistes de l’ordre Kadampa. Au XVIe siècle, comme beaucoup d’autres monastères au Ladakh les moines adoptèrent les préceptes de l’ordre Drigungpa Kagyup. Un mythe qui date d’environ 2600 ans. En effet, un lac aurait existé jusqu’à la venue d’un disciple de Bouddha. Il aurait vidé l’étendue d’eau en amadouant les esprits qui l’habitaient. Le nom de Lamayuru provient de cette légende. Les moines présentent un festival célébré pendant l’été. Le complexe architectural de Lamayuru est hétérogène. Ce site était historiquement un village fortifié où les moines et les villageois habitaient dans le même ensemble sur l’éperon. Aujourd’hui, des bâtiments de toutes tailles sont éparpillés en haut et en bas du complexe principal. 
Grâce à la beauté induite par le mélange réussi entre la nature et les édifices, c’est un des monastères phares du Ladakh. 
Le paysage de « moonland », terme touristique pour qualifier les dépôts lacustres à l’esthétique étonnante, ne cesse de fasciner.

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